Cet article a été publié par Fabien Grenet sur le blog qu'il a tenu entre 2008 et 2016. Pour des question de référencement (SEO), lorsque l'agence nospoon a été créé, il a été décidé de transformer le blog de Fabien en site pour l'agence. Tous les articles ont ainsi été conservés, mais n'engagent pas l'agence quant aux contenus qui sont abordés.

Et si le Crowdfunding sonnait le glas de la production de masse ?

Chaque jour, le crowdfunding entre un petit peu plus dans nos vies quotidiennes. Musique, BD, humanitaire, culture, éducation, high-tech… on ne compte plus les domaines auquel il s’applique et les projets ou entreprises qui prennent vie grâce à ce nouveau mode de financement.

Plébiscité par ses utilisateurs, le crowdfunding est d'ailleurs presque devenu un passage obligé aujourd’hui pour les entrepreneurs ou startups qui souhaitent lancer de nouveaux produits. À titre d’exemple, rien que sur Kickstarter les catégories « design » et « technologie » représentent 25% des sommes collectées (source : Kickstarter).

Le Crowdfunding, nouveau mode de financement ou profond changement de notre mode de consommation ?

Le point commun de de la plupart des campagnes de crowdfunding ayant réussi à ce jour se résume au mot utilisé pour les présenter : Projet. Que celui-ci relève d’une passion ou d’un désir d’entreprendre, c’est bel et bien le projet et les promesses qu’il véhicule qui poussent les gens à contribuer à son co-financement, alors même que son existence est théorique et non garantie (il existe toujours un risque qu’un projet co-financé n’arrive pas à terme). C’est donc uniquement en réussissant à convaincre leurs « early adopters » que les porteurs d’un projet peuvent réussir à collecter suffisamment de fonds pour lui donner vie ensuite.

Paradoxalement, dans la société de consommation dans laquelle la plupart des pays occidentaux évoluent, l’héritage de la seconde révolution industrielle fait que c’est précisément le phénomène inverse qui a lieu. Encore aujourd’hui, nombre de sociétés fabriquent leurs produits d’une façon massive, alimentent les différents canaux de distribution en délégant la propriété juridique à chaque intermédiaire et dépensent des fortunes en publicité pour créer un engouement autour de leurs produits afin d’écouler la majorité du stock.

C’est un mode de fonctionnement auquel chacun de nous est habitué et qui ne nous interroge pas, pourtant un aspect est souvent oublié par les consommateurs que nous sommes et parfois les sociétés productrices elles-mêmes : les invendus. Bien que les quantités de production correspondent à des calculs et prévisions provenant d’analyses de marchés réalisées consciencieusement en amont, la question des invendus est inévitable. Qu’en faire :  les détruire ? Les brader ? Quel que soit le choix effectué, l’impact écologique négatif ne pourra pas être supprimé, tout au plus diminué. Compte tenu de l’épuisement des ressources et des impacts écologiques de la production de masse, il devient plus que nécessaire de se pencher sur cette question et d’y apporter des réponses pertinentes, responsables et durables.

Pourquoi produire avant de vendre alors qu’on peut vendre avant de produire ?

Les fondamentaux du Crowdfunding, tels que créer et renforcer une communauté autour de son projet, gagner en notoriété et en confiance de la part du marché, générer de la trésorerie ou augmenter son capital pour financer les premiers produits… sont autant d’avantages que peuvent trouver les startups dans le lancement d’une campagne de Crowdfunding. Pourquoi ces avantages ne s’appliqueraient pas également aux PME et entreprises industrielles ?

L’un des principaux avantages du Crowdfunding dans le cadre de la production d’un bien est la sécurisation de la production, c’est à dire le fait d’avoir la trésorerie nécessaire au lancement des premières lignes de production. D’une certaine manière, le crowdfunding fonctionne comme une pré-commande à ceci près que tout le monde ne commande pas le produit, certains des co-financeurs souhaitant simplement supporter le projet en faisant un don.  Est il nécessaire de présenter en détails les avantages que peuvent apporter l’application d’une production adaptée aux besoins en terme de quantités ? Pour une PME, savoir que 145 clients ont d’ores et déjà payé le produit qu’elle est en train de concevoir représente un confort important assorti d’une responsabilité tout aussi importante (car il n’y a rien de pire que de décevoir des personnes déjà acquises à la cause).

Par ailleurs, si l’on se pose la question de l’impact écologique d’une telle approche de production, il semble également évident que les avantages sont nettement supérieurs à l’approche actuelle. Produire 200 produits préalablement sollicités plutôt que 1000 produits dont plus de la moitié devront être stockés puis détruits avant même d’avoir été utilisés est sans nul doute plus écologique. Coupons d’ailleurs court au faux débat sur le coût final du produit soit disant plus faible dans le cas d’une production de masse, l’impact sur le prix de vente étant très certainement gommé par l’absence de stockage, de gestion des invendus... comme le Lean le démontre parfaitement.

Enfin, si l’on met en parallèle l’énergie et les moyens mis en oeuvre pour constituer une communauté autour de sa campagne avec l'énergie et les moyens financiers utilisés pour déclencher un acte d’achat pour un produit pré-existant dont le client n’a pas forcément besoin, il y a de grandes chances pour que la balance penche du coté du Crowdfunding. De plus, une fois la communauté constitué et le produit finalement réalisé et distribué, sa commercialisation à plus grande échelle sera facilitée par le pouvoir de recommandation des « early adopters » (92% des gens font confiance à la recommandation d’un proche).

Le crowdfunding, face émergée de l’iceberg de la production collaborative ?

Ainsi, le crowdfunding ouvre doucement les portes d’une nouvelle façon de consommer au même titre que d’autres modèles basés sur le partage tout en sensibilisant au processus de fabrication (matières, transports…). À y regarder de plus près, cette nouvelle façon de consommer repose elle aussi sur l’intérêt et la désirabilité apportée à un objet, notions à laquelle on doit ajouter l’attente. En effet, participer à une campagne de Crowdfunding induit d’attendre que le produit qui n’est encore qu’à l’état de projet soit réalisé, ce qui peut  constituer un désavantage face à la production de masse qui irrigue les boutiques de produits « sur étagère ».

Mais finalement le Crowdfunding ne serait il pas la face émergée de l’iceberg de la production collaborative ? C'est la tendance qui semble se dessiner au ouiShareFest avec les témoignages de plusieurs startups qui sont convaincues et investissent la conception collaborative (Quirky), la production collaborative (OpenDesk), la microproduction (WoMaFacLab) etc. Et si l’avenir de la production de masse passait par l’émergence d’une chaine de production collaborative allant de l’idée jusqu’à la distribution du produit final, s’appuyant sur l’intelligence collective et l’énergie créative de chacun ? Produire « à la demande » de nombreux objets à l’aide de « micro usines locales », en limitant au maximum le gaspillage et l’impact sur l’environnement n’est peut être pas si utopique que cela...

Effet de mode ou changement de paradigme, le Crowdfunding s’accompagne dans les faits d’un véritable changement de mentalité. Au delà d’un aspect purement économique qui permet aux entreprises d’économiser de l’argent, il participe à une production plus responsable tenant compte des réels besoins des consommateurs et préfigure probablement une (r)évolution de la production industrielle.

 

Cet article a été publié initialement sur Medium et repris avec l'accord de Jean-Marc Nourel.



 

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