C’est ma façon personnelle de rester « éveillé » afin de faire bouger les rangs lorsque c’est nécessaire, car notre façon de regarder influe fortement sur notre capacité à agir (pour aller plus loin, je vous invite à lire cet article d’OWNI qui traite justement de l’importance de l’état d’esprit dans l’efficacité de l’apprentissage et les effets pervers induits).
Ces derniers mois dans le cadre des projets que j’accompagne, à diverses reprises alors que des points de questionnement légitimes étaient soulevés, j’ai constaté que les réponses apportées était basée sur une vérité que mon interlocuteur n’avait même pas cherché à vérifier. Allez savoir pourquoi, ces situations m’ont inspiré ce titre que Stéphane Hessel ne renierait pas et m’ont poussé à développer cette idée au point d’en faire une sorte de plaidoyer que je partage aujourd’hui avec vous : étonnez vous !
Être adulte en restant enfant.
Comme l’indique Edwige Chirouter, « Les enfants nous offrent cette expérience originelle de l'étonnement devant le monde et posent les questions sans auto censure ». Nous l’avons tous constaté, les enfants ont une formidable capacité à s’étonner.
C’est grâce à elle qu’ils se construisent en expérimentant le monde qui les entoure. En cherchant à le comprendre, à se l’approprier, ils brisent le statu-quo que nous posons nous les adultes sur ce monde.
Apporter une réponse satisfaisante à une enfant est une tache ardue car dans la réponse elle même figure une nouvelle matière sur laquelle l’enfant va pouvoir s’étonner, et ainsi de suite. C’est à ce titre un excellent exercice que nous devrions tous faire plus souvent.
Prenons maintenant l’univers professionnel, qui aujourd’hui s’étonne de l’organisation de son service, des outils qu’on lui propose, des réponses qu’on lui apporte, des méthode qu’il emploie, … ? Peu de personnes n’est ce pas ?
Alors si là maintenant tout de suite vous regardiez votre univers professionnel avec des yeux d’enfants, que verriez vous ? quelles questions vous poseriez vous ? Faites l’exercice, vous verrez vous serez surpris. Et dans la foulée pourquoi ne rédigeriez vous pas un rapport d’étonnement de quelques pages pour le présenter à votre responsable ? Vous ne risqueriez en procédant ainsi que d’améliorer les choses et de monter dans l’estime de votre boss qui pourrait vous le rendre un jour ou l’autre.
S’étonner, c’est refuser le statu-quo
Remettre en cause le statu-quo dans lequel s’inscrit nos actions et nos décisions c’est attaquer la corde par le bon bout, celui de l’étonnement. Et entre nous, j’ai constaté bien des fois que mes propres réponses étaient dictées par un nombre incalculable de statu-quo et qu’il me revenait de les bousculer si je voulais que les choses bougent, quand bien même je n’étais pas censé disposer du pouvoir de décision associé.
Le résultat a toujours été positif, même si je n’ai pas obtenu à chaque fois autant de « changement » que je demandais. L’avenir se construit par petites touches successives, et il nous revient d’en être à l’origine.
Prenons l’exemple d’un groupe implanté en France et outre-mer, dont historiquement les DOM ne disposent pas de l'application métier principale du fait du décalage horaire non géré par le SI centralisé. Eh bien je vous le donne en mile, pour la quasi totalité des interlocuteurs SI, votre nouvelle application aura la même contrainte, parce que ça a toujours été comme ça..
Pour la petite histoire, bien que j'ai obtenu sur un de mes projets que cette contrainte "saute" l'année dernière, il se trouve encore des interlocuteurs qui répondent "non" à ce genre de demandes MOA en le justifiant via l'historique (si si, c'est encore arrivé la semaine dernière à un de mes collègue qui s'est d'ailleurs empressé de faire "sauter" cette contrainte inutile qu'on lui imposait après en avoir discuté avec moi..).
Au delà de cet exemple et de ses spécificités, le message que je cherche à faire passer est que nous avons tous à gagner à prendre un peu de recul par rapport à nos réponses « standard » car elles sont souvent dictées par le statu-quo qui peut tout à fait être remis en cause. Cette remise en cause apporte parfois son lot de contraintes, mais n’est il pas plus agréable de disposer d’un choix ?
S’étonner, c’est se créer des opportunités
J’ai lu dernièrement un excellent article sur OWNI qui traitait de « 37 Signals », une agence web qui s’est transformée en éditeur SAAS avec notamment un produit phare : Basecamp et un framework de développement dont on entend beaucoup parler : Ruby on Rails.
On retrouve dans la philosophie qui anime cette société le principe de l’étonnement comme créateur d’opportunité. Le résultat est une boite qui aborde chaque question avec une liberté de choix là ou beaucoup se contraindraient via le statu-quo, et ça marche.
- Nous avons besoin d’un outil de gestion de projet mais n’en trouvons pas d’adapté => créons le
- Les technos de dev standard ne nous conviennent pas => créons notre framework
- Dur d’être créatif plus de 5h par jour => passons à la semaine de 4j
- Gérer nos mails est trop consommateur de temps => créons un outil de business group chat (campfire)
- Nous avons créé pour notre usage interne des solutions collaboratives très à la pointe => capitalisons en les commercialisant en SAAS (et changeons de métier accessoirement).
- ….
Certes, ce modèle n’est pas applicable à tout le monde, mais ce n’est pas ce que je cherche à mettre en avant. Ce qui est important à mon sens c’est leur capacité à s’étonner sans tenir compte du statu-quo en se donnant les moyens de le remettre en cause pour enfin saisir les opportunités qui se sont présentées. A méditer.
S'étonner, c'est reconnaître sa propre ignorance.
Pas facile de l’admettre, mais c’est pourtant le cas. S’étonner mène à une remise en question qui ne peut être bénéfique que si nous sommes capables d’accepter notre ignorance.
Par exemple, si nous prenons le sujet de l’entreprise 2.0 et de la fluidification des échanges entre collaborateurs, nous n’avons pas aujourd’hui suffisamment de recul pour dire que telle solution est mieux adaptée que telle autre, elle-même moins efficace que telle dernière trouvaille. Pourtant, parce que nous avons identifié grâce à notre posture d’étonnement que quelque chose cloche, nous cherchons à créer des opportunités pour bousculer ce statu-quo (l’organisation est comme ça dans notre entreprise, les outils sont ceux là, …).
Gardons nous de nous lancer trop vite sur le premier bout d’idée de solution que nous trouvons, car nous pourrions passer à coté de l’opportunité la plus créatrice de valeur. Je dis cela car un billet que j’ai lu dernièrement m’a poussé à reconnaître ma propre ignorance sur le sujet du temps passé à suivre et gérer nos emails.
Comme beaucoup de monde, j’ai constaté que les mails consomment un temps fou de ma journée, du fait d’une utilisation de l'outil non appropriée (liée au manque d’alternatives). Jusqu’à présent, ma piste de solution sur le sujet était l’utilisation de solutions collaboratives pour extraire du mail les usages pour lesquels une plateforme collaborative apporterait une forte valeur ajoutée.
Et là je lis ce billet qui pose la questions et si le mail était la solution, et non le problème ? Badaboum, mon ignorance me saute aux yeux. Je ne sais pas quelle est la meilleure solution à cette problématique, mais du fait de mon état d’esprit, je ne me suis pas étonné jusqu’au bout et me suis arrêté à une solution qui me paraissait pertinente alors qu’en fait il s’agissait d’un mini statu-quo (le mail c’est mal, le collaboratif c’est génial).
Imaginons un instant que j’ai été en capacité de changer le monde sur cette problématique et que la solution dont je n’avais pas connaissance ai été meilleure que celle que j’allais mettre en place… j’aurai marqué l’histoire, non pas comme celui qui a révolutionné le monde mais plutôt celui qui a retardé l’apparition de la véritable révolution du fait d’un manque de questionnement lié à un statu-quo (je reste bien sur convaincu de la valeur ajoutée du collaboratif, mais vais maintenant prendre garde à ne me fermer aucune piste de réflexion).
Fort heureusement le monde ne dépend pas (que) de moi, mais cet épisode m’a ramené à l’essentiel : l’étonnement comme posture, l’ignorance comme fondement de la réflexion afin de créer des opportunités, les saisir et les partager.